(Comment mon ami? Tu n'as pas lu avant tout la première partie! Fait demi-tour malheureux! Et regarde sur ta dextre, tu y verras le premier épisode de cet article, étape indispensable pour savoir de quoi nous parlons ici.)
Introduction au Tarot.
Tout le monde a en soi cette image d'Epinal où une gitane jeune et envoutante, ou vieille et repoussante, tire les cartes dans une ambiance lourde d'encens et de mystères (les vieux, c'est super mystérieux) à un jeune héros lui révélant par la même son impressionnante destinée. Bon, y'a pas foule de détails à chaque fois mais ça fait toujours son petit effet quand on tire la lame montrant le squelette armé d'une faux. Et généralement, la vieille trouve que c'est le moment parfait pour sortir sa meilleure réplique mystérieuse.
Avec ce gentil stéréotype, il n'échappe à personne que le tarot est avant tout un instrument de divination. Qu'on le tire en Croix, en Ligne, en Cercle ou en quinconce ajourée (style créé par ma surpuissance mediumnique :D) il permet, soi-disant, de nous permettre de créer un contact avec des énergies supérieures(?) qui comme une Main Invisible que n'aurait pas renier Adam Smith, nous indiquerait par le truchement des cartes une conduite à tenir, un conseil.
La preuve en est dans les deux moines qui se prosternent devant lui. Mais est-il en train de les instruire ou son regard se dirige t-il plutôt vers la droite, l'avenir? Les deux. Le Pape n'est donc pas une fin en soi, la quête continue, et même si son pouvoir est ultime, même si il est devenu aux yeux de tous le gardien d'un savoir forgé par l'expérience et ses vies passés (le savoir de la Papesse, le travail de L'Impératrice et le pouvoir de L'Empereur), il n'est pas encore un être complet et aboutit. Le voyage intérieur continu et rencontre son premier obstacle.
L'incarnation de la Justice nous fait face sur son trône. Une balance et une épée dans ses mains, elle est prête à juger.
Jusqu'à présent, nous avons lutté contre les contingences matérielles en les dominant par la connaissance. Il est maintenant temps pour Bateleur d'apprendre auprès de La Justice à juger, à peser le pour, le contre, à prendre conscience de la difficulté à juger et choisir.
Acquérir cette faculté auprès de ce mentor est donc une étape supplémentaire sur le chemin de la connaissance.
Un vieillard appuyé sur un bâton tiens une lanterne qu'il dissimule au regard derrière son manteau.
Dans ce sens là, il serait alors un Ermite, sans H, mais Hermite fait référence aussi à Hermès Trismégiste, le gardien du savoir et des secrets du monde. Car bien que notre Hermite ne possède plus rien sauf un bâton, il possède aussi une lanterne qui l'éclaire. Cette lanterne est le symbole de son savoir, la lumière de la connaissance qui repousse les ténèbres de l'ignorance. Mais notez comment il dissimule cette lumière derrière son manteau (la lumière n'éclaire que l'intérieur du manteau en jaune). Ce savoir qu'il possède, il se le garde pour lui, pour son propre accomplissement. C'est sans doute aussi un savoir dangereux qu'il ne faut pas utiliser ou révéler à la légère. Seuls les initiés sont capables de l'accepter et de le comprendre. L'Hermite est donc retiré du monde, porteur de la connaissance, il cache son savoir et ne le dévoile que par mystères, énigmes et phrases sibyllines.
Encore un vieux vachement mystérieux...
Une roue au sommet de laquelle trône un Sphinx, un chien la descend tandis qu'un singe la remonte dans l'autre sens.
Que dit-elle? Que la vie forme un cycle infini (La Roue), que rien ne stagne, tout évolue perpétuellement. "Rien n'est vrai, tout est permis" nous rappelerai Ezio Auditore à ce sujet. Les animaux courent autour de cette roue, l'un vers le haut l'autre vers le bas. "Ce qui est en haut est en bas". Un chien et un singe dans des accoutrements qui les font sembler à des êtres humains, un Sphinx les domine. L'Hermite peut maintenant voir cette Roue, notre monde, d'un regard extérieur. Nous voit-il comme des animaux? Victimes de nos instincts, de nos pulsions, de nos préjugés? Ces animaux qui tournent vainement pour faire marcher un monde qu'ils ne comprennent même pas, trop occupés qu'ils sont à besogner. Un Sphinx mythologique, détenteur des mystères domine la scène, et L'Hermite le voit aussi car il possède cette même connaissance.
Maintenant que notre Bateleur voit le monde dans son entièreté, il vient de franchir la première étape, celle qui lui donne la main-mise sur l'aspect matériel de la vie. Mais n'oublions pas que sa quête le conduit vers son accomplissement, il est plus que temps d'attaquer la seconde partie du voyage.
Comme premier arcane du second cycle, La Force est notre Bateleur, une femme qui maitrise sans effort un lion. Il faut voir cette lame comme un nouveau départ, qui nous présente notre héros qui est désormais libéré de toutes les contingences matérielles. Les pulsions sexuelles, les envies et besoins matérialistes... Tout ceci est symbolisé par cet animal sauvage qu'est le lion. Mais en détenant le savoir, en voyant le monde tel qu'il est réellement, Le Bateleur acquiert La Force, lui donnant le plein contrôle de son être en le détachant complètement des contingences matérielles. Force qui n'est pas sans rappeler celle des Jedis, vous l'aurez noté.
Cette arcane, celui de la maitrise des énergies qui nous animent, est un nouveau point de départ, une nouvelle présentation de notre héros, désormais transfiguré.
Un homme pendu à une potence par un pied nous fait face, les bras dans son dos.
Non par le col, ce sera bien funeste de sa part, mais par le pied. C'est pour ainsi dire une posture de méditation. Le corps est au repos, il est devenu inutile. Seul l'esprit travaille, cette position inconfortable est la démonstration supplémentaire de l'abnégation totale du Pendu. Le Pendu rappelle aussi le sacrifice car rien qui ne se mérite ne s'obtient dans la facilité. La lame rappelle d'ailleurs le sacrifice d'Odin dans la mythologie nordique. Pour devenir le roi des Dieux, Odin va sacrifier un œil et se pendre neuf jours entiers à la branche d'Yggdrasil, l'arbre-monde. C'est au terme de cette épreuve que le secret des runes et de la magie sera donné à Odin.
C'est la seconde épreuve après celle de L'Amoureux, mais voyez comment d'une épreuve qui concernait le monde matériel nous sommes passé désormais à une épreuve totalement spirituelle, un combat face à soi-même.
Un squelette armé d'une faux fauche les vies sur un sol noir
Sous ses atours peu engageant, l'Arcane sans nom peut faire peur, ce squelette fauche les vies semble t'il mais il est pourtant la conséquence logique du Pendu. Mais pas dans le sens que vous pensez. Le Pendu est l'épreuve, un combat intérieur que se livre notre Bateleur, il doit méditer, lutter contre lui-même et c'est l'Arcane sans nom qui va signifier au Bateleur qu'il a gagné.
L'Arcane sans nom est le résultat de l'épreuve du Pendu. Le Bateleur subit là une transformation mais qui est une étape indispensable dans sa quête car désormais il quitte le monde matériel, il "tue" ses pulsions. l'objectif du Bateleur est de passer à une autre vie, il doit donc "mourir" une première fois pour détruire ce qui le rattachait à la matière.
Mais que fait cet ange? Il verse un liquide dans un autre récipient, il transvase quelque chose. Etrange...
La Tempérance est l'une des vertus cardinale. Elle sert à contrôler nos envies, nos passions, à réguler nos émotions par l'exercice de la raison.Mais on peut difficilement modéré nos instincts les plus bas, vu qu'ils ont été sacrifiés précédemment. Il faut alors s'intéresser plutôt à ce que fait cette incarnation de la Tempérance qui est sur notre route. En versant de l'eau dans une coupe, elle transverse quelque chose, maintenant qu'on nous avons tué les besoins matériels, cette eau est une chose dont à soif notre seule âme, c'est à dire la connaissance. Cette connaissance passe un palier supplémentaire, car elle n'est plus terrestre comme avec la Papesse, elle devient divine car elle nous est donnée par un ange. Et oui, on prend du niveau.
Mais ce versement de liquide peut aussi être vu comme une dilution, comme on coupe du vin avec de l'eau. En ayant atteint un tel niveau de conscience, il est important de garder son humilité, de rester humble face à la Création, et qui de mieux que la Tempérance pour nous enseigner cette humilité. Elle sera même une arme pour nous car voici qu'arrive un obstacle, un boss de jeu vidéo. La Tempérance est donc un avertissement, une phase de repos à l'auberge avant d'attaquer le gros morceau et la dernière ligne droite.
Etes-vous prêts? Votre équipement est bon? Votre niveau est suffisant? Car voici...
Et c'est là que réside le piège. A cette étape du tarot, beaucoup de chemin a été parcouru et l'accomplissement n'est pas loin. Le Diable apparait alors et nous propose un marché. Maintenant que la connaissance est notre, que la domination pourrait être totale, pourquoi ne pas prendre le pouvoir sur le monde des Hommes? La chose nous serait alors aisée et notre Bateleur serait presque l'égal d'un dieu. Regardez comment lui-même a déjà commencer sa main-mise en tenant par une laisse ces deux personnages en tenant bien sûr un instrument de pouvoir, de domination qu'est l'épée.
Au Bateleur de faire attention: Il n'a pas à combattre, il doit juste refuser les tentations. Avec Le Diable, Le Bateleur va apprendre à sublimer définitivement la matière, ce qui constitut une étape supplémentaire, car en sublimant la matière, le temps est venu de s'élever vers les sphères célestes.
Une tour foudroyée s'écroule précipitant deux hommes dans sa chute.
Voici ni plus ni moins que le Game Over de notre Tarot. Notre Bateleur a failli.Tenté par Le Diable, il a décidé de se prendre pour l'égal de Dieu et a commencé une tour de Babel pour atteindre les cieux. Mais l'orgueil est sévèrement puni et c'est la chute qui atteint l'Homme trop présomptueux.
Cette idée de chute de retrouve bien l'ancienne version du Tarot, où c'était l'Arbre de la connaissance qui était représenté à la place de la Tour. C'est donc l'Homme qui chute en prenant un savoir pour lequel il n'est pas prêt.
Si notre Bateleur chute ici, c'est pour partir d'un nouvel élan, pour mieux se reconstruire et quand il arrivera de nouveau à cette étape, il ne refera pas cette erreur. Il laissera son ego détruit car après la destruction de la matière, voici la destruction de l'ego même du Bateleur et c'est par ce chemin qu'il va atteindre les astres.
Le Jugement est franchi, nous voici à la fin de notre parcours. Notre Bateleur du début a fait bien du chemin pour arriver à l'accomplissement parfait. Il trône maintenant au coeur de Monde. Voyez comment le Monde est symbolisé: Quatre figures entoure un mandorle (figure composé de deux demi-cercles formant une sorte d'ellipse). Ces figurent sont un homme, un cheval/boeuf, un lion et un aigle. Ils sont les symboles de la globalité des créatures vivantes sur Terre, des quatre règnes du vivant tel qu'on le percevait au moyen-âge, c'est à dire les oiseaux, les animaux domestiques, les animaux sauvages et les Hommes. Mais nous voyons aussi que ces créatures ont chacune une auréole ce qui renverrait alors aux quatre Évangélistes de la Bible. Cette représentation classique des quatre Évangélistes entoure Jesus qui se trouve alors lui-même au centre du mandorle. Cette figure s'appelle un Christ Pantocrator (comme le français du Versus fighting) et nous montre Jesus tel qu'il est après le Jugement Dernier, glorieux, au-dela des limites du monde terrestre.
Un vagabond avec un baluchon sur le dos est en voyage, à ses cotés, un chien lui déchire son pantalon.
Et voilà qu'il reste un arcane, seul, sans numéro, en dehors de la ligne du tarot.
Alors que nous avons tout fait pour quitter le monde matériel, nous y revenons de plein-pied, sous la forme d'un fou, d'un clochard qui voyage.
Comment un fou pourrait-il transcender le Tarot, en s'affranchissant des numéros?
C'est parce que le Mat est à la fois le 0 et le XXII.
Si il est le XXII, il est donc la vraie "fin du jeu". Comment est-ce possible?
Regardez ce fou, il marche un chien jappe à coté de lui et lui mords la jambe déchirant son pantalon.
Mais Le Mat s'en moque, il avance, car il est l'aboutissement ultime de sa quête, il est accomplit. Toute l'aventure du tarot n'a eu qu'un seul but, s'affranchir des contingences matérielles et s'ouvrir à la vie spirituelle totale. Le Mat se moque donc éperdument de son pantalon déchiré, il regarde ailleurs. Il ne possède rien qu'un baluchon, il est sale, mal habillé? Qu'importe pour lui, il sait la vérité du monde.
Alors pourquoi est-il fou? Pourquoi est-il le Joker de nos jeux de cartes?
Mais Le Mat n'est pas fou, seulement, il apparait fou aux yeux des autres. Aux yeux du monde entier, c'est un original, un marginal. Mais les autres sont tous des Bateleurs! Ils vivent tous dans un monde d'illusions, de préjugés, de hasard, comme le décrit l'Arcane I. Il est donc parfaitement logique qu'il soit perçu comme fou. S'en soucie t-il? Pas le moins du monde. Le Mat avance quelques soient les obstacles, il est passé déjà par tellement de choses...
Cet arcane est aussi numéroté 0 et cette numérotation est tout aussi juste.
Le 0 est avant le I, le Mat est peut-être alors un insouciant qui ne se préoccupe pas des affaires du monde mais il est appelé à devenir un Bateleur qui aura à son tour l'envie de pénétrer les mystères du monde.
Alors Le Mat serait contradictoirement une fin et un début? Pas nécessairement.
Peut-être que Le Monde s'est réincarné dans Le Mat, qu'il est revenu à la vie terrestre pour guider un nouveau Bateleur vers son éveil.
Le Mat part vers la droite, guidé par une envie d'aller vers l'inconnu. Cet arcane majeur introduit la notion de cycle dans le tarot de Marseille, il est l'élan primordial qui nous pousse à nous accomplir mais il est aussi la fin de tout car il est déjà accomplit.
Si nous sommes tous des Mat avant de devenir des Bateleurs, alors cela signifie que nous avons déjà en nous les réponses, que nous sommes déjà la solution à nos questionnements les plus profonds et si la réponse est en nous, il faut alors s'ouvrir à l'introspection.
Il est alors plus que temps de commencer alors une nouvelle quête, un nouveau cycle. Ainsi va la vie.
Les légendes, les livres nous permettent de vivre cette progression initiatique et nous accompagnons nos héros dans leurs épreuves. Mais seul le jeu (vidéo) permet de vivre soi-même la quête initiatique, d'en être l'acteur. Le médium en lui-même nous oblige à nous impliquer physiquement, à mettre en branle nos réflexes, notre intelligence. Les échecs sont parfois nombreux mais si le jeu nous plait, nous y reviendrons encore pour triompher.
Et même si le Tarot de Marseille nous propose de mieux nous connaitre nous-mêmes, les objectifs qu'il fixe sont bien symboliques et peu d'entre nous pourront prétendre réellement à sortir de la caverne Platonicienne.
Mais parfois, grâce au jeu vidéo, j'ai le sentiment de vivre ma propre quête initiatique, mon propre accomplissement. Qui n'a pas déjà exulter à la fin d'un jeu? Qui n'a pas laissé exploser sa joie quand au terme d'un combat acharné nous jetions à bas notre ennemi?
Dans Final Fantasy VIII, pour moi, le coup de grâce sur Ultimecia a été porté par Squall. A ses cotés gisait sans vie Linoa et Zell, et notre héros tenait avec 400 HP rescapé sur les 9990 qu'il arborait fièrement.
Comment ne pas voir là L'Empereur? Fier de lui, de sa puissance matérielle? Rien ne pouvait me résister sur ce monde. Morbols, Griffons... Toutes les saletés de l'Ile de l'Enfer (Le Diable?) se prosternaient face à moi et je les moissonnaient pour leurs XP.
Mais voilà qu'on milieu des Etoiles, Ultimecia, fait abattre sur moi la Maison-Dieu. Un Jugement Dernier s'abat sur mon équipe et me lamine à 1 HP. Le temps à peine de recharger un SoinMax sur Squall et voici qu'arrive Ultima, fauchant mes compagnons.
Je suis foudroyé, au désespoir, mon orgueil m'a détruit...
Mais si mon ego est détruit, si ma puissance est à néant, il est plus que temps de dépasser cela, il est temps de faire confiance à tout ce que j'ai accumulé, expérience, intuition, réflexes... et c'est à moi, joueur, de comprendre que je dois me dépasser. Épuisé par le Château d'Ultimecia que j'ai fait avant et l'heure tardive, il est temps d'invoquer le Jugement. Au bout m'attend soit le Bateleur, soit Le Monde...
Mon instinct me dit que j'approche, qu'il ne faut rien lâcher. Je massacre le bouton Rond comme jamais et enfin le Renzokuken apparait.
Il temps d'avoir la foi car si il est enchainé avec Déflagration, les dégâts ne seront pas suffisant.
Mais c'est Lionheart qui sort.
Et Squall se transcende sous mes yeux, 9998, 9999, 9996... Vingt et une fois (21arcanes?), la gunblade tranche la Nécromancienne et c'est ma dernière attaque.
J'attends le Jugement, la prochaine attaque de la Sorcière me sera fatale...
Ultimecia explose, les ténèbres se déchirent.
Je souffle, mon bras retombe la manette à la main.
Je jubile.
J'ai atteint Le Monde.
Je suis Le Monde.
Le jeu se finit, j'ai franchi les XXI Arcanes du Tarot, du niveau I me voici 100.
Désormais, même si je dois reprendre ce jeu, je le connaitrait. Même au début du jeu, sans rien, les réponses seront en moi pour toujours. New Game +: débutant mais avec l'expérience au fond de soi.
Les gens me regardent jouer, ils me trouvent fou.
Normal.
Je suis Le Mat.